Sans jamais fouler le sol Egyptien, sans jamais tenir dans ses mains ce sésame tant convoité, sans jamais effleurer les Ecritures Sacrées, Champollion sacrifiera sa vie
entière à ces Gravures Magiques en décodant leurs secrets.
Par Fabienne Abdeljelil
Il dira « Je suis tout à l’Egypte, elle est tout pour moi ». Ce n’est qu’en 1828, soit 4 ans avant sa mort, qu’il réalisera son vœu le plus cher, le plus ardent à savoir, se rendre sur la Terre de ses chers Pharaons.
Sa grande motivation le pousse à écrire au Roi Charles X, en lui exposant les objectifs majeurs de son projet d’étude. Ce voyage a pour but de relever, en Egypte et en Nubie, autant de textes que possible dans les monuments antiques, d’ images des Divinités, de cérémonies religieuses et de Souverains ; de recopier et traduire les inscriptions afin d’étendre ses connaissances.

Après l’aval du Roi, Champollion embarque sur la corvette « Eglé » pour Alexandrie le 31 Juillet 1828, à la tête d’une expédition Franco-Toscane de 14 savants (médecins, peintres, dessinateurs, architectes, explorateurs, naturalistes). Il est accompagné d’Ippolito Rosellini, un pionnier de l’Egyptologie Italienne, et pendant 17 mois ils vont sillonner le pays depuis le Delta jusqu’à la 2ème cataracte du Nil.
La Découverte de l’Égypte par Champollion
Dès qu’il posa le pied sur cette Terre d’Egypte à Alexandrie le 18 Août 1828, il éclata de joie : « Je baisais le sol Egyptien en le touchant pour la première fois. » Jean-François Champollion visita tous les sites archéologiques recensés. Il obteint les autorisations nécessaires pour circuler, fouiller. Deux grands bateaux ont été mis à sa disposition avec une escorte en armes pour remonter le Nil.
Notre génie est aux anges, il est chez lui et dit à qui veut l’entendre : « Il semble que je suis né dans ce pays ». Il adopte d’ailleurs les coutumes locales, ne parle plus que l’arabe, porte des babouches, turban, caftan, galhabieh et se laisse même pousser la barbe!
En Septembre, il découvre le Nil et sa vallée, et dans une lettre écrite à son frère il lui fait part de son éblouissement :
« …ce spectacle est véritablement enchanteur, et la renommée de la campagne d’Egypte n’est point exagérée. Le fleuve est immense, et les rives en sont délicieuses. ».

Champollion fut beaucoup moins enthousiaste lorsqu’il arriva le 19 Septembre 1828 sur le plateau de Gizeh face à la grande pyramide. C’est presque la douche froide ! La vision du tombeau de Khéops n’est pas à la hauteur de ses espérances. Dans ces monuments pharaoniques il lui semble qu’il ne retrouve pas «son Egypte», le sentiment est le même à Saqqarah.
Un travailleur passionné et acharné
Par contre, la découverte de la Moyenne et Haute Egypte n’en sera pour lui que plus bouleversante. Il est fasciné par la beauté des monuments ; il obtint la confirmation de ses travaux sur les principaux sites archéologiques. Sa traduction des Hiéroglyphes est bien exacte et son système de déchiffrement est efficace. Les
paysans accourent pour rencontrer celui qui sait lire l’Ecriture des vieilles pierres.
Jean-François Champollion séjourne 5 mois à Karnak, avec son expédition il fait des fouilles, des relevés des principaux Temples ainsi que sur les grandes tombes. Il est subjugué par la beauté de la gigantesque salle du Temple, il dira:
« Nous ne sommes en Europe que des Lilliputiens et aucun peuple ancien ni moderne n’a conçu l’art de l’architecture sur une échelle aussi sublime, aussi large, aussi grandiose que le firent les Egyptiens. ».
Sans relâche, il supervise les travaux des dessinateurs qui inlassablement recopient les bas-reliefs des tombeaux ou des temples. Partout Champollion lit, traduit, relève et recopie soigneusement les textes hiéroglyphiques, tout en continuant à décrypter la langue Egyptienne.
Chaque soir il classe en 16 rubriques les nouveaux signes qu’il a découvert dans la journée. Dans un village de Moyenne Egypte du nom de Tell-el-Amarna, notre explorateur de génie remarque les restes d’une ancienne ville et la représentation d’un Pharaon «gros, aux formes féminines » qui ne figurait sur aucune liste. Il venait de faire connaissance avec Akhenaton le Roi Hérétique !
Plus au sud, à Deir-el-Bahari, il est
dubitatif devant une représentation d’un Pharaon orné de ses attributs, mais dont la description reste cependant féminine. Eh oui ! il s’agit bien d’une Reine, d’une femme qui devint Pharaon et qui s’appelait Hatchepsout.
C’est à Abou-Simbel dans le Temple de Ramses II, que Champollion eut largement le temps de vérifier la justesse de son système de traduction et par la même occasion de l’étoffer, le compléter. Grâce aux 32 lignes inscrites sur un des murs intérieurs du Temple, il retrace le Traité de Ptah, un dialogue entre Dieu et le Pharaon, le dernier voile est enfin levé.
Il écrit donc à Mr Dacier pour lui confirmer sa fierté de ne s’être pas trompé sur le déchiffrement : « …il n’y a rien à modifier à notre Lettre sur l’alphabet des Hiéroglyphes. Notre alphabet est bon : il s’applique avec un égal succès…aux inscriptions de tous les temples, palais et tombeaux des époques pharaoniques. ».
Dans la Vallée des Rois, à l’intérieur de la tombe de Sethi Ier, père de Ramses II, il découvre de grands textes funéraires où sont évoquées des scènes de l’enfer et du paradis. Effrayé, il ressent des ressemblances inquiétantes entre le Panthéon Egyptien et les récits bibliques. Cette découverte et ce parallèle entre les deux religions le bouleverseront, mais il gardera pour lui ce grand secret.
C’est en Septembre 1829 au Caire, que Champollion défend auprès de Mehmet Ali vice Roi d’Egypte, la cause des monuments antiques menacés de pillage et de destruction. Grâce au budget qu’on lui a alloué, il ramène en France quelques belles acquisitions qui iront enrichir les collections du Musée du Louvre. Son équipe rapporte également des milliers de dessins, des inscriptions explicatives qui éclairent de multiples points de l’histoire de l’Ancienne Egypte.
Jean-François Champollion rentre en France à bord de « l’Astrolabe » fin Décembre 1829. Il confie à son frère « Ma campagne est donc finie, mon cher ami, et a répondu à tes desseins comme aux miens. L’Egypte a été parcourue pas à pas, et j’ai séjourné partout où le temps avait laissé subsister quelques restes de la splendeur antique».
La fin de vie de Jean-François Champollion
En Mars 1831, une Chaire d’archéologie est créée pour lui au Collège de France où il
est nommé professeur, mais malheureusement n’y assurera que quelques conférences, car il meurt 1 an après. Au service de l’Egypte jusqu’à son dernier souffle, Champollion en travailleur
acharné, se consacrera sans relâche à la publication de ses textes et dessins.
Il continuera la rédaction de sa «Grammaire Egyptienne », assurera ses cours au Collège de France. Sa dernière visite sera pour son Maître Mr Dacier ; puis victime de plusieurs attaques, sentant la fin arriver, il s’exclame en se frappant la tête : « Trop tôt ! Il y a encore tant de chose là-dedans. ».
Il prie son frère de s’assurer qu’il sera enterré au Père-Lachaise près de Fourier le mathématicien. A l’aube de sa mort, il demande à revoir son cher costume, galabieh, caftan et babouches. Ses obsèques se sont déroulées le 6 Mars 1832 dans l’église St Roch, celle où Champollion avait suivi les cours de langue Copte. C’est un cortège de scientifiques, naturalistes et de Parisiens qui ont délaissé pour quelques heures les réjouissances de ce mardi gras, pour rendre un hommage unanime et vibrant au pionnier de l’Egyptologie.
Champollion a amassé « du travail pour une vie entière » disait-il. Les travaux qu’il a initiés il y a 2 siècles, se poursuivent activement de nos jours, enrichissant sans cesse notre connaissance d’une des plus brillantes civilisations de l’humanité.
Article écrit par Fabienne Abdeljelil