Ce Christ polychrome émergeant des gravas dormirait sans doutes là où il fut enfoui au 18ème siècle, si un terrible incendie n’avait pas ravagé Notre-Dame de Paris les 15 et 16 avril 2019.
Cette tête dont les yeux bleus regardaient vers le ciel doit également sa découverte à la perspicacité et l’entêtement de Dorothée Chaoui-Derieux, conservatrice en chef du patrimoine au service régional de l’archéologie (SRA) qui consacra plusieurs mois à convaincre l’établissement public chargé de la restauration de la cathédrale, maître d’ouvrage du chantier, de réaliser une vaste inspection de prospection géophysique dans le monument dévasté.

L’équipe chargée de la mission eut la surprise de constater qu’au niveau de la croisée du transept, là où elle s’attendait à trouver le plus d’anomalies,
“les radars et autres détecteurs électromagnétiques n’avaient pas révélé grand chose. Possiblement parce qu’à cet endroit, une forte teneur en argile les a empêché de bien fonctionner.”
Pas de quoi décourager Dorothée Chaoui-Derieux qui décida du maintien de la fouille préventive prévue dans ce périmètre : la pose d’un échafaudage de près de 100 mètres destiné à la reconstruction de la flèche nécessitait de toute façon un terrassement.
“Ce contraste entre prospection et fouille aura eu le mérite de nous faire porter un regard plus critique sur nos méthodes de recherches”
a confié Dorothée Chaoui-Derieux.
Et c’est peu dire que le résultat de cette fouille est particulièrement remarquable.
En février 2022, le ministère de la Culture avait annoncé la découverte sous le dallage de Notre-Dame de Paris, au niveau de la croisée du transept, de plusieurs trésors archéologiques dont un sarcophage en plomb occupé par un défunt à l’identité encore mystérieuse.
Jeudi 14 avril 2022, l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), chargé par la Drac Île-de-France de réaliser ces fouilles avant le début des travaux dans l’édifice, a donné davantage de détails sur ces trouvailles.
Parmi les découvertes, l’on retiendra principalement les sépultures et les fragments du jubé perdu de la cathédrale. Construite vers 1230, la clôture monumentale qui séparait la nef du chœur réservé au clergé fut détruite au début du XVIIIe siècle, sous le règne de Louis XIV, afin de s’adapter aux nouveaux usages liturgiques.
De ce mur richement décoré et sculpté n’étaient parvenus jusqu’à nous que huit éléments mis au jour lors des travaux du XIXe siècle. Des pièces conservées au Louvre, dont la plus illustre est Adam et Eve et la chaudière de l’enfer, tandis qu’une vingtaine de petits blocs de moindre facture furent stockés dans les réserves de la cathédrale.

Grâce à cette fouille préventive, ce ne sont pas moins qu’une centaine de nouveaux fragments qui viennent s’ajouter à ce maigre inventaire, dont certains pesant près de 400 kg. Éléments architecturaux, notamment une étonnante “mini-cathédrale”, décors végétaux, personnages aux drapés et aux cheveux en mouvement…
“On a les éléments pour reprendre complètement l’étude du jubé”
assure Christophe Besnier.
D’autant que contrairement aux fragments du Louvre, tous resplendissent encore de leurs flamboyantes couleurs, que l’ombre du dallage a su préserver des affres du temps. “La couleur donne un regard vraiment émouvant aux personnages”, juge l’archéologue.
Déjà, certains fragments semblent s’inscrire dans un ensemble que l’on pensait à jamais disparu : une figure aux yeux fermés laisse à penser qu’il s’agit du Christ lors de la descente au tombeau, quand un autre fragment présente les indices d’un lien direct avec Adam et Eve et la chaudière de l’enfer.
Auteur: Bourgogne Médiévale